Le 8 mars de chaque année, le monde s’interroge sur la situation féminine. Née des luttes féministes en Europe et en Amérique et consacrée par une résolution de l’Organisation des Nations unies, la « Journée internationale de la femme » a un thème spécifique qui varie d’année en année et est déterminé par l’ONU. Et si, cette année, l’on s’interrogeait aussi sur la place des femmes au sein du monde judiciaire, et plus précisément au sein des cabinets d’avocats ?

Le monde des avocats est à la base un monde d’hommes. Ainsi, les femmes n’avaient pas le droit de prêter serment en qualité d’avocate en Belgique et ce, jusqu’en 1922. Le 8 mai 1922, Paule LAMY est la première femme belge à prêter le serment d’avocate à Bruxelles. Cette prestation de serment fait suite à un long combat initié par Marie POPELIN en 1888, docteur en droit, qui souhaitait devenir avocate, mais n’y a jamais été autorisée par les juridictions, à défaut de texte légal le lui permettant. Une loi du 7 avril 1922 intitulée « Loi permettant aux femmes munies du diplôme de docteur en droit, de prêter le serment d’avocat et d’exercer cette profession » est ainsi venue au secours des femmes.

Aujourd’hui et depuis 2018, les femmes représentent plus de la moitié des effectifs tous âges confondus[1]. Elles sont pourtant bien plus nombreuses dans les premières années de barre et deviennent minoritaires à partir de l’âge de 50 ans. Pourquoi ?

Les femmes subissent encore aujourd’hui des discriminations importantes au sein du monde judiciaire. Outre les réflexions machistes et les idées toutes faites qu’elles peuvent subir, tant de la part des clients que des autres avocats (« les femmes s’occupent des matières familiales, mais certainement pas du droit pénal », par exemple), elles restent bien plus souvent au sein d’un cabinet cantonnées à un statut de collaboratrices et ne parviennent que rarement à la fonction d’associée (à moins de se mettre à leur compte). Il existe un « plafond de verre » pour les femmes qui freinent leur carrière. Les différences de rémunération avec les hommes sont ainsi très importantes (parfois du simple au double pour le même nombre d’années d’expérience) et les femmes restent trop souvent en dehors des processus décisionnels.

Confrontées à ces difficultés, mais aussi à leur rôle de mères qui pèse encore en très grande majorité sur leurs épaules, les femmes se voient contraintes de faire un choix entre leur carrière d’avocate et leur vie de famille. Ceci est vrai cependant dans beaucoup de professions, la société occidentale dans son ensemble étant en train d’évoluer, mais laissant à ce jour encore la plus grosse part de responsabilité dans l’éducation des enfants sur les épaules des femmes, outre le fait que les femmes restent celles qui doivent prendre un congé de maternité, accoucher et ensuite allaiter le cas échéant. Exercer une profession libérale et exigeante comme celle d’avocate devient alors parfois très compliqué. C’est ainsi que, lassées par ce « plafond de verre » qui pour beaucoup, les empêche de s’associer et ainsi, de continuer d’évoluer et de gagner mieux leur vie et, pour celles qui sont mères, faisant face à un besoin accru d’équilibre vie privée/vie professionnelle, beaucoup de femmes avocates se reconvertissent après quelques années de barre, devenant juristes en entreprise ou magistrates. C’est ce qui explique que la profession reste majoritairement composée d’hommes au-delà de 50 ans. Or, la rémunération va crescendo avec les années d’expérience. C’est ce qui explique aussi que la magistrature se féminise également beaucoup ces dernières années, quasiment la moitié des effectifs étant composés de femmes en 2010[2].

À ce jour, le monde de l’avocature est encore marqué par un certain machisme ambiant : le débat est encore vif sur la question de savoir s’il convient d’appeler les femmes avocates « Madame l’Avocat » ou « Madame l’Avocate » et les « Cher Confrère » entre avocates vont bon train. Gageons que d’ici une dizaine d’années, utiliser les termes « Chère Consœur » ne sera plus un engagement féministe assumé.


[1] https://latribune.avocats.be/sites/latribune/files/barometre_des_avocats_2018_-_final_-09042019.pdf

[2] https://www.anthemis.be/shop/product/vecuma-le-vecu-des-femmes-magistrates-en-belgique-francophone-8215#attr=6575,2760,11983